Longtemps cantonnĂ©e Ă l’industrie du divertissement, la musique s'invite dĂ©sormais dans les portefeuilles d'investissement. Sans prĂ©tendre rivaliser ave c les actifs traditionnels, elle s’impose comme une piste de diversification, Ă la croisĂ©e de la culture et des finances. Droits d’auteur, catalogues et royalties sĂ©duisent des investisseurs en quĂŞte de rendements alternatifs et d’un lien plus tangible avec l’économie rĂ©elle.Â
Le phĂ©nomène a pris corps avec une cĂ©lĂ©ritĂ© surprenante : en 2024, les ventes de droits musicaux ont franchi le cap des 2,5 milliards de dollars d'après les estimations de cabinets du secteur. La musique s'affirme comme un placement dĂ©connectĂ© des turbulences boursières, offrant des revenus rĂ©currents peu sensibles aux alĂ©as conjoncturels.Â
Des revenus aussi stables que mĂ©lodieuxÂ
Le streaming a mĂ©tamorphosĂ© la musique en source continue de liquiditĂ©s. Chaque lecture sur une plateforme, chaque diffusion radiophonique, chaque insertion dans une bande-annonce ou un spot publicitaire alimente un flux de micro-paiements. Mis bout Ă bout, ces versements acquièrent une prĂ©visibilitĂ© certaine — un profil qui Ă©voque, pour les financiers, celui d'une rente Ă Ă©chĂ©ances modulables.Â
Les catalogues d’artistes iconiques — Bob Dylan, Bruce Springsteen, Fleetwood Mac, entre autres — ont Ă©tĂ© cĂ©dĂ©s pour plusieurs centaines de millions de dollars, preuve de la valeur durable de ces Ĺ“uvres. Mais au-delĂ des artistes lĂ©gendaires, la montĂ©e du streaming a donnĂ© de la valeur Ă des catalogues plus modestes, issus de la pop, du rap ou de la musique indĂ©pendante, qui peuvent offrir des rendements Ă deux chiffres selon la performance de diffusion.Â
La musique devient ainsi un actif hybride : Ă la fois immatĂ©riel et tangible, fondĂ© sur l’émotion mais valorisĂ© par la donnĂ©e.Â
L'Ă©mergence silencieuse d'un Ă©cosystème financierÂ
Derrière cette nouvelle ruĂ©e vers l’or se cache une professionnalisation accĂ©lĂ©rĂ©e du marchĂ©. Des fonds spĂ©cialisĂ©s rachètent des catalogues entiers, tandis que de nouvelles structures permettent de dĂ©tenir des fractions de droits. Les acteurs institutionnels s’y intĂ©ressent, tout comme certaines family offices, sĂ©duits par la stabilitĂ© des flux.Â
L'apparition d'investisseurs secondaires, qui rachètent des parts dĂ©tenues par d'autres fonds, illustre cette maturitĂ© croissante : ils injectent de la liquiditĂ© dans un univers qui, il y a une dĂ©cennie, n'intĂ©ressait que producteurs et maisons d'Ă©dition.Â
Des accords majeurs aux rendements mineurs Â
L’accès Ă ce marchĂ© reste sĂ©lectif. Les particuliers n’achètent pas directement des chansons ou des droits d’auteur, mais investissent le plus souvent par l’intermĂ©diaire de structures financières dĂ©diĂ©es.Â
Certaines sociĂ©tĂ©s crĂ©ent des fonds spĂ©cialisĂ©s dans les droits musicaux, Ă la manière de fonds professionnels de capital investissement (FPCI) : elles lèvent du capital, acquièrent des catalogues, puis redistribuent les revenus issus des royalties.Â
Ces fonds fonctionnent sur le modèle du private equity : un horizon d’investissement long (souvent 7 Ă 10 ans), des actifs peu liquides, mais un potentiel de rendement rĂ©gulier — entre 5 % et 10 % par an selon les estimations. D’autres structures, plus rĂ©centes, permettent d’accĂ©der Ă des parts fractionnĂ©es d’un catalogue, mais restent marginales et souvent rĂ©servĂ©es Ă des investisseurs avertis.Â
Un placement atypique, entre chiffres et patrimoineÂ
Mais l’engouement n’est pas sans risque. Les valorisations ont atteint des sommets — jusqu’à 20 fois les revenus annuels pour certains catalogues — avant de se stabiliser. La rentabilitĂ© dĂ©pend de la pĂ©rennitĂ© des Ă©coutes et des modes de consommation : une chanson virale aujourd’hui peut tomber dans l’oubli demain.Â
Pour autant, la musique conserve une singularitĂ© irrĂ©ductible : elle marie rendement comptable et valeur sentimentale. Elle n'est pas un instrument financier synthĂ©tique, mais une trace vivante du patrimoine collectif. Pour nombre d'investisseurs, miser sur une composition revient Ă parier sur une Ă©motion qui traverse les gĂ©nĂ©rations.Â
Le refrain d’un marchĂ© en quĂŞte d’accord parfaitÂ
Ă€ l’heure oĂą l’art, le vin, le cinĂ©ma ou les montres de collection s’imposent comme actifs alternatifs, la musique joue sa propre partition : celle d’un secteur qui unit rationalitĂ© Ă©conomique et passion artistique.Â
Une question demeure : cette mise en Ă©quation ne risque-t-elle pas d'altĂ©rer ce qu'elle cherche Ă consacrer ? Entre harmonie et bilan, l'Ă©quilibre demeure prĂ©caire : traduire une Ĺ“uvre en ligne comptable relève d'un pari aussi sĂ©duisant qu'incertain.Â
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RĂ©digĂ© par VEGA Investment Solutions en dĂ©cembre 2025. Les analyses et les opinions mentionnĂ©es reprĂ©sentent le point de vue de l’auteur. Elles ont Ă©tĂ© Ă©mises en dĂ©cembre 2025 et sont susceptibles d’évoluer. Elles ne sauraient ĂŞtre interprĂ©tĂ©es comme possĂ©dant une quelconque valeur contractuelle. Les rĂ©fĂ©rences Ă des valeurs mobilières, des secteurs ou des marchĂ©s spĂ©cifiques dans le prĂ©sent document ne constituent en aucun cas un conseil en investissement, une recommandation ou une sollicitation d’achat ou de vente de valeurs mobilières, ou une offre de services. Tout investissement comporte des risques, y compris le risque de perte en capital. Les performances passĂ©es ne prĂ©jugent pas des performances futures.Â
Sources
- Les Echos - Investissements dans les catalogues musicaux : le marchĂ© se tendÂ
- Les Echos - Le marchĂ© de l'Ă©dition musicale en forte croissance d'ici Ă 2031Â
- Alexandre Quiquerez, Tristan Schindler, L’investissement dans des catalogues musicaux français et Ă©trangers - Pratiques et risques, CNM Lab, 2023Â





