This website requires JavaScript.

Accueil

Dossiers

Articles

Vidéos

Lexique

Comprendre l’économie et les marchés financiers pour mieux gérer votre épargne.
02.12.25

Biais cognitifs et placements : l’épargne française est-elle prisonnière de ses réflexes ? 

Retour aux articles

Imaginez que vous vous tenez devant deux portes. Derrière la première, vous trouvez un rendement garanti de 3 % par an, sans surprise ni turbulence. Derrière la seconde, un potentiel de gains plus élevé, mais avec des hauts et des bas imprévisibles. Vers laquelle choisiriez-vous d’aller ? 

Si vous penchez naturellement vers la première option, vous n'êtes pas seul. Une étude OpinionWay réalisée pour BlackRock montre que 55 % des épargnants français feraient exactement le même choix. Une telle préférence soulève une question : pourquoi cette attirance massive vers la sécurité, alors même qu’elle coûte potentiellement plus cher ? 

La réponse tient non seulement à la conjoncture économique mais aussi - et surtout - à nos biais cognitifs. Derrière chaque décision, des mécanismes psychologiques discrets mais puissants entrent en jeu : la hantise du regret, le besoin de faire comme les autres ou encore l'attraction vers des tendances du moment. Ces réflexes influencent nos portefeuilles bien plus que n'importe quelle analyse financière. 

Une prudence qui coûte cher 

L'attachement des Français aux placements sécurisés n’est pas anecdotique. D'après les données 2023 de la Banque de France, les ménages allouent massivement leur épargne sur des livrets réglementés et des comptes à terme. Les Allemands ou les Néerlandais investissent, eux, trois à quatre fois plus en actions et fonds dynamiques, comme le confirment les statistiques de l'OCDE. Une différence qui s’explique à la fois par la tradition française d’épargne de précaution (encouragée depuis des décennies par la fiscalité et les produits garantis) et par une culture boursière moins ancrée que chez nos voisins du Nord, où l’investissement en actions fait partie intégrante de la gestion patrimoniale. 

Cet excès de prudence a pourtant des conséquences tangibles. Si l'inflation grimpe, se contenter de rendements inférieurs à la hausse des prix équivaut à perdre du pouvoir d'achat progressivement. Les experts de Morningstar le soulignent dans leur analyse de 2024 sur les biais comportementaux : ne pas agir financièrement finit par nous appauvrir

Trois pièges psychologiques qui gèlent les performances 

L'enquête OpinionWay identifie trois mécanismes psychologiques particulièrement destructeurs : 

  1. Le piège de la récence, d’abord, touche un investisseur sur cinq. Il consiste à projeter indéfiniment dans l'avenir les tendances récentes du marché. Une action qui a grimpé ces derniers mois va forcément continuer, n'est-ce pas ? Pas nécessairement. 
  2. L'ancrage émotionnel, ensuite, paralyse plus de la moitié des épargnants. Au lieu d'accepter une perte et de réorienter leur capital, ces derniers s'accrochent à leurs positions, même si elles sont déficitaires, en espérant un hypothétique retour à l'équilibre.  
  3. L'effet moutonnier, enfin, conduit près d'un investisseur sur deux à reproduire les choix de son entourage ou à suivre les tendances. Et ce, au détriment de sa stratégie personnelle et de toute analyse objective. 

Ces réflexes peuvent sembler anodins de prime abord, mais ils peuvent coûter plus d’un point de rendement annuel aux particuliers, selon les calculs de Morningstar aux Etats-Unis publiés en 2024. 

Le grand absent : la culture économique 

Ces réflexes émotionnels s'expliquent aussi par des lacunes plus collectives. Le Baromètre 2024 de la Banque de France le confirme : un Français sur deux ignore la différence fondamentale entre une action et une obligation. Pire : bien que 58 % des sondés disent vouloir progresser en matière financière, seulement 15 % d’entre eux consultent régulièrement des contenus économiques fiables. 

Chez les plus jeunes, le tableau se complique encore. Une enquête de l'Autorité des marchés financiers (AMF) menée en 2023 révèle que plus de 40 % des investisseurs de moins de 30 ans se réfèrent à des contenus TikTok ou YouTube pour leurs décisions boursières. Des sources rarement vérifiées, souvent approximatives, parfois même trompeuses. 

La diversification, un remède boudé 

Face aux biais psychologiques, une parade testée et approuvée existe : répartir son épargne entre différentes catégories d'actifs, secteurs et zones géographiques. Pourtant, l'étude OpinionWay montre que seul un tiers des Français considère la diversification comme une stratégie pertinente pour absorber les fluctuations. 

Deux pratiques simples pourraient transformer la donne : 

  1. Les versements programmés permettent de lisser les achats dans le temps et d'éviter les décisions impulsives liées aux mouvements de marché. Seuls 16 % des épargnants y ont recours. 
  2. La patience stratégique paie sur la durée. Quand on remonte sur un demi-siècle de données boursières, un constat s'impose : les actions mondiales ont dégagé au moins 5 % de rendement annuel en moyenne, selon les chiffres de 2025 de l’université de Cambridge. Un écart significatif avec l'inflation, particulièrement visible sur les fenêtres de dix ans. 

Connaître ses failles pour mieux les contrer 

Les biais cognitifs ne disparaîtront pas. Ils font partie intégrante de notre manière de gérer l'incertitude et l'information. Cependant, comprendre leur fonctionnement peut aider à atténuer leurs effets. L'AMF plaide d'ailleurs pour une généralisation de l'éducation économique, aussi bien à l'école que dans l'espace médiatique. 

Le psychologue comportemental Dan Ariely, auteur de Predictably Irrational, formule l'enjeu avec clarté : « Nous ne prenons pas de mauvaises décisions parce que nous sommes irrationnels, mais parce que nous sous-estimons à quel point nous le sommes. » 

Alors, identifier et analyser ses propres réflexes, questionner ses certitudes immédiates et accepter l'inconfort de l'incertitude : voici autant de petits pas qui peuvent orienter un portefeuille vers une performance durable. 

 

Rédigé par VEGA Investment Solutions en décembre 2025. Les analyses et les opinions mentionnées représentent le point de vue de l’auteur. Elles ont été émises en décembre 2025 et sont susceptibles d’évoluer. Elles ne sauraient être interprétées comme possédant une quelconque valeur contractuelle. Les références à des valeurs mobilières, des secteurs ou des marchés spécifiques dans le présent document ne constituent en aucun cas un conseil en investissement, une recommandation ou une sollicitation d’achat ou de vente de valeurs mobilières, ou une offre de services. Tout investissement comporte des risques, y compris le risque de perte en capital. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. 

Sources