Philippe Waechter, Directeur de la recherche économique, OstrumAM
Une stratégie de négociation bilatérale
La méthode Trump consiste à imposer des droits de douane élevés pour contraindre chaque pays à négocier individuellement dans le Bureau ovale. Cette approche s'est illustrée lors du "Liberation Day" du 2 avril, où une série de tarifs douaniers ont été annoncés contre de nombreux pays, de la Grande-Bretagne à la Chine en passant par l'Europe et l'Inde. Seule la Grande-Bretagne a jusqu'à présent signé un accord, qui s’est montré être particulièrement défavorable aux intérêts britanniques.
Cependant, cette stratégie agressive s'est rapidement heurtée à la réalité économique. Les droits de douane initialement fixés à 145% sur les produits chinois se sont révélés impraticables pour les entreprises américaines, contraintes de s'approvisionner en microprocesseurs, téléphones et ordinateurs depuis le territoire Chinois pour leurs entreprises américaines, et donc leur faire subir les droits de douane trumpiens dans le processus. La pression du secteur privé américain a finalement ramené ces tarifs à 30%, illustrant les limites de l'approche maximaliste.
L'effet TACO : quand Trump recule
Les marchés financiers semblent avoir intégré ce que les observateurs appellent désormais l'effet TACO ("Trump Always Chickens Out", en français : “Trump se dégonfle toujours”). Cette tendance du président à faire des annonces fracassantes avant de revenir sur ses positions explique en partie la relative sérénité adoptée par les investisseurs face aux menaces douanières aujourd’hui. L'annulation des droits de douane du “Liberation Day” une semaine après leur annonce, le 9 avril, a confirmé cette dynamique, ramenant tous les pays à un tarif uniforme de 10%, excepté la Chine. En réalité, il est trop tôt pour réellement juger les conséquences concrètes des tarifs douaniers sur les prix, la croissance et l’emploi. Même si la majorité d’entre eux ont été revus à la baisse, il est important de rappeler que 10 %, c’est toujours quatre fois plus qu'auparavant pour l'Europe, et que les effets de cette taxe devraient prendre entre un et six mois pour se manifester. Et par-dessus le marché, des coupes budgétaires dans la recherche scientifique et environnementale, ajoutées à des expulsions massives de travailleurs illégaux auront forcément un impact sur l’économie.
Les limites du protectionnisme américain
Au-delà des considérations tactiques, cette politique commerciale se heurte à des contraintes structurelles majeures. Dans un contexte où la dette publique américaine continue de croître, les États-Unis ont besoin de maintenir l'attractivité de leurs actifs financiers et du dollar. Des droits de douane trop élevés risqueraient de compromettre le statut d'actif refuge des obligations américaines et d'affaiblir la monnaie nationale, ce qui serait contre-productif pour l'économie américaine.
Cette réalité explique pourquoi la Maison Blanche semble privilégier une approche plus mesurée qu'initialement annoncée. Pour les investisseurs, le scénario le plus probable reste celui d'une modération progressive de la politique commerciale américaine, Trump privilégiant finalement la stabilité des marchés financiers à ses promesses de campagne les plus radicales.
Les analyses et les opinions mentionnées représentent le point de vue de l’auteur. Elles ont été émises en juin 2025 et sont susceptibles d’évoluer. Elles ne sauraient être interprétées comme possédant une quelconque valeur contractuelle. Les références à des valeurs mobilières, des secteurs ou des marchés spécifiques dans le présent document ne constituent en aucun cas un conseil en investissement, une recommandation ou une sollicitation d’achat ou de vente de valeurs mobilières, ou une offre de services. Tout investissement comporte des risques, y compris le risque de perte en capital. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.