Le risque d’un isolement chinois
La levée de la politique zéro Covid en Chine s’annonce complexe. L’absence d’immunité collective, le taux de vaccination réduit de la population – et la faible efficacité des vaccins proposés – vont inévitablement se traduire par une prochaine envolée du taux de contamination et de décès. La capacité des hôpitaux à répondre à l’afflux des futurs contaminés déterminera la longueur de cette période d’ajustement, qui précédera le retour à la normale. Faute de statistiques précises, il est très difficile de s’avancer sur l’ampleur de cette transition. En termes d’information, les observateurs ne disposent en effet que des articles de presse qui, en cette fin d’année, évoquent tous une multiplication, sans davantage de précisions, des cas de contamination.
La manière dont la vague de contaminations évoluera aura pourtant une influence certaine sur l’économie mondiale. Une démultiplication des cas, débordant les capacités hospitalières nationales, mettrait la disponibilité de la main-d’œuvre chinoise et par ricochet de la production nationale sous pression. Si des usines devaient fermer dans certains secteurs manufacturiers, les pays développés souffriraient de pénuries de composants ce qui d’une part pénaliserait leur activité, et d’autre part relancerait ponctuellement l’inflation. Même si la demande en Europe et aux Etats-Unis reste dynamique, ce risque inflationniste paraît toutefois localisé : les entreprises occidentales ne sont pas dans le même état qu’en 2021. Leurs chaînes de production se sont remises en route depuis plus d’un an et sauront s’adapter rapidement, d’autant que les tensions dans le secteur des transports et de la logistique ont en grande partie disparu.
Une fois la vague de contamination résorbée, l’économie chinoise se retrouvera toutefois dans une situation très dégradée par rapport aux années d’avant la crise sanitaire. En effet, le marché immobilier s’enfonce dans la crise, la baisse de la productivité pénalise la hausse des revenus, les perspectives de consommation des ménages et celles de l’investissement s’assombrissent, les exportations pâtissent du ralentissement de l’économie mondiale et les Américains font désormais barrage pour les transferts de technologie. Seul point positif dans ce paysage morose : la sortie de la politique zéro Covid devrait provoquer un rebond de la demande interne, qui pourrait aider à une reprise du cycle. Il est temps. Le choix de mettre pendant trois ans le pays sous cloche au nom de la lutte contre le coronavirus a nettement ralenti les plans de transformation de l’Empire du milieu.
Ces nombreux aléas font peser deux types de risques sur la Chine et avec lui l’économie mondiale. Celui, d’abord, d’une reprise en main politique musclée dès lors que la situation sanitaire aura retrouvé une certaine normalité. Celui ensuite d’un isolement chinois après la mise en place des restrictions américaines. En réaction, Xi pourrait en effet opter pour un changement d’alliance, comme sa visite en grande pompe en Arabie saoudite a pu le laisser supposer.
Les analyses et les opinions mentionnées représentent le point de vue de l’auteur. Elles ont été émises entre le 15 et le 28 décembre 2022 et sont susceptibles d’évoluer. Elles ne sauraient être interprétées comme possédant une quelconque valeur contractuelle.
